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Abdelhak Serhane

Abdelhak Serhane

Abdelhak Serhane

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     Né en 1950, Abdelhak Serhane est écrivain et professeur de l'enseignement supérieur à l'Université Ibn Tofaïl à Kénitra (Maroc) dans la faculté des Lettres et des Sciences Sociales. Il a deux doctorats d'Etat, en psychologie et en littérature française. Son doctorat de troisième cycle est en psychologie.

 

Publications

Romans

  • Messaouda. Paris: Seuil, 1983. (Prix Littéraire des Radios Libres, 1984)
  • Les Enfants des rues étroites. Paris: Seuil, 1986.
  • Le Soleil des obscurs. Paris: Seuil, 1992. (Prix Français du Monde Arabe, 1993)
  • Le Deuil des chiens. Paris: Seuil, 1998.

Poésie

  • L'Ivre poème. Rabat: Al Kalum, 1989.
  • Chant d'ortie. Paris: L'Harmattan, 1993.
  • La Nuit du secret. France: Atelier des Grames, 1992.

Parmi ses nouvelles

  • Les Prolétaires de la haine. (recueil) Paris: Publisud, 1995.
  • "Le Vélo" Montréal: XYZ, 1991. Repris dans Anthologie de la nouvelle maghrébine, Casablanca: Eddif, 1996.
  • "J'écris pour le soleil". In: Actes du Colloque de Montpellier, 1985.
  • "Les mots de la douleur" In: Oualili. Meknès, 1986.
  • "La Femme : un destin périmé". In: Lamalif. Casablanca, 1986.
  • "L'Artisan du rêve". In: Visions du Maghreb. Montpellier: Edisud, 1987.
  • "Le Corpstexte". In: Horizons maghrébins. Toulouse, 1987.
  • "Un Pays aux couleurs de son temps". In: Librement. Casablanca, 1988.
  • "Le Destin des pierres". In: Autrement. Paris: 1990.
  • "L'artisan du rêve". ClicNet: 1997.

Essais

  • L'Amour circoncis. Casablanca: Eddif, 1996.
  • Le Massacre de la tribu. Casablanca: Eddif, 1997.

biographie

Abdelhak Serhane

Écrivain et universitaire marocain, opposant virulent au régime d’Hassan II qui s’est récemment exilé au Canada.

Né en 1950 à Sehou, Abdelhak Serhane a fait des études de psychologie et de littérature française à Toulouse. Il a été longtemps professeur à la faculté des Lettres et des Sciences Sociales de l’université de Kénitra. Au printemps 2000, il a quitté le Maroc avec sa famille pour un exil définitif au Canada (Montréal). Depuis, il partage son temps entre le Maroc, le Canada et les États-Unis où il enseigne la littérature française (université Lafayette-Louisiane).

Abdelhak Serhane n'a cessé pendant des années de dénoncer le carractère policier du régime politique marocain à travers des ouvrages comme Messaouda ou Le Soleil des obscurs. Il a récemment pris position contre l'impunité dont jouissent ceux qui se sont enrichis grâce à la corruption engendrée par le « système Basri ».

En 1993 il reçoit le Prix français du Monde Arabe, puis en 1999 le prix Francophonie, Afrique méditerranéenne.



Sur la Toile

Ce que j’attends de Mohammed VI : enseignement, économie, misère, justice et corruption, femme, droits de l’homme… (texte de septembre 1999).
Sur le site de Jeune Afrique

La liberté de la déchéance un texte d’A. Serhane (1999) à propos des exactions de la dictature d’Hassan II.

L’artisan du rêve, texte d’Abdelhak Serhane.

Une analyse de son œuvre

Quand l'inculture se veut forme d'intelligence..., par Abdelhak Serhane (mars 1997).

L’amour au Maroc transcription d’un entretien avec l’auteur réalisée par la réalisatrice Yamina Benguigui pour son documentaine Le jardin parfumé sur le site Kelma.org, le site des beurs gays.



Parmi ses œuvres

 Les Temps noirs  (Le Seuil, 2002) : roman.

Les Dunes paradoxales  (Paris-Méditerranée, 2001) : Un long poème d'amour et de révolte inspiré par le désert.

 La chienne de Tazmamart  (2001) :
Pièce de théâtre sur le terrible bagne. Il a été reproché à l’auteur d’avoir attendu que ce bagne soit rasé pour en parler.

Le silence est déjà trop tard  (Écrits des Hautes-Terres/Éditions Paris-Méditerranée, 2000) :
Un long poème, hymne à l’amour, aux femmes et à la poésie.

 Le Deuil des chiens  (Seuil, 1998) :
L’histoire de quatre sœurs qui se retrouvent à la rue à la mort de leur mère, expulsées par un père soumis à sa nouvelle épouse. Elles reviennent dix ans plus tard pour raconter leur vie d’infortune.

 Le massacre de la tribu  (Eddif, 1997) :
Recueil d’articles évoquant les maux de la société marocaine : inégalités sociales, spéculation, répartition injuste des revenus, appropriation illégale des fortunes, misère toujours plus des classes défavorisées, marasme général et incertitude.

 L'Amour circoncis ( Eddif, 1996) :
Un essai sur la sexualité des jeunes Marocains. L’ouvrage aborde notament le problème de l’homosexualité dans un pays musulman.

 Les Prolétaires de la haine  (Publisud,1995) : Recueil de douze nouvelles, sous forme de satire sociale, qui évoque le malaise des jeunes dans la société marocaine.

 Chant d'ortie  (L'Harmattan, 1993) :
Recueil de poèmes.

 Le Soleil des obscurs  (Le Seuil, 1992) :
Roman d’amour masquant une critique sociale acerbe. L’échec d’un couple sans expérience, marié dès l’enfance (13 et 15 ans) et l’échec d’un système fait de corruption et de répression policière.

 L'Ivre poème  (Al Kalum, 1989) :
Recueil de poèmes.

 Les Enfants des rues étroites  (Le Seuil, 1986) : Dénoncent le sort réservé aux femmes et aux enfants par tes hommes, détenteurs d'un pouvoir patriarcal, héritage d'un passé lointain.

 Messaouda  (Le Seuil, 1983) : Le procès des hommes qui profitent de leur statut social et religieux privilégié pour opprimer femmes et enfants.

Ce que j'attends de Mohammed VI.

par Abdelhak Serhane

"Après le deuil et les larmes, l'heure est au bilan. Non pour engager la polémique ou "gratter la plaie", mais pour demander et comprendre où nous allons. La meilleure preuve d'amour et de fidélité qu'on puisse témoigner au pays est de lui dire ses vérités ", estime l'écrivain marocain Abdelhak Serhane, qui dresse ici un état des lieux sans complaisance du Maroc après le décès de son roi, le 23 juillet. " Les images télévisées de ses obsèques ont démontré combien le peuple marocain est généreux et fidèle, malgré la misère, l'analphabétisme, la corruption, voire le mépris dont il est l'objet de la part des décideurs depuis de très longues décennies ", poursuit Serhane, dont les activités officielles ne gênent en rien l'engagement intellectuel. " J'ai tout le temps dénoncé les abus et les dérives. Je l'ai fait hier, je le ferai demain. Avec la même détermination. Le temps me donnera tort ou raison. Je souhaite qu'il donne entièrement raison à Mohammed VI, pour que nos enfants puissent dire un jour de son règne qu'il a été glorieux, parce que ferme sans excès et équitable sans faiblesse. " Abdelhak Serhane (49 ans) est, depuis huit mois, conseiller auprès du ministre de l'Enseignement supérieur, de la Formation des cadres et de la Recherche scientifique, chargé de l'action culturelle dans les universités marocaines. Docteur d'État (en psychologie et en littérature française) et professeur à l'université Ibn-Tofaïl de Kenitra, il prépare actuellement la sortie de plusieurs ouvrages, notamment Le Temps des Noirs, un roman, Pommes de grossesse, un conte pour enfant, et Le Silence est déjà trop tard, un recueil de Poésie(*).
S.Gh. ____

* Parmi ses autres ouvrages, citons : Le Deuil des chiens (Seuil, 1998), Le Massacre de la tribu (Eddif, 1997), Le Soleil des obscurs (Seuil, 1992), Les Enfants des rues étroites (Seuil, 1986) et Messaouda (Seuil, 1983).
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Le pays, aux dires des experts et de ceux qui gardent un peu de bon sens et de dignité, ne se porte pas bien. Et cette chronique n'a d'autre ambition que de rappeler aux décideurs leur devoir par rapport aux attentes de ce peuple, ses inquiétudes pour demain, ses peurs du présent, ses angoisses quant à l'avenir de ses enfants, à ses silencesenfin... Au-delà des réalisations de ces dernières années, le bilan du retard est lourd, dans plusieurs domaines.

1. L'enseignement et l'analphabétisme. Les âmes pudiques ou charitables disent que le Maroc compte plus de 50 % d'analphabètes, loin derrière la Tunisie ou l'Algérie. Les chiffres réels doivent nous faire rougir de honte et bondir de dépit. Aucun pays aujourd'hui ne peut prétendre au progrès avec une grande majorité de sa population en marge du savoir et privée de connaissance. Les nations fortes sont celles qui misent sur le potentiel humain en matière d'enseignement et d'apprentissage. L'arabisation, dans le sens idéologique du terme, a donné les résultats que nous connaissons : c'est un échec sur le triple plan linguistique, social et politique. Est-il encore possible ou nécessaire d'avoir ce rapport chauvin à la langue ? D'autant plus que nos nationalistes d'hier et d'aujourd'hui, défenseurs de l'arabité et de l'arabisation, ont toujours placé leurs enfants dans les missions françaises et les écoles américaines. À partir des années soixante-dix, on a fabriqué un enseignement à deux vitesses et vidé l'enseignement public de sa substance, faisant de l'école publique un dépotoir pour les déshérités et les laissés-pour-compte. Autrefois, on disait que le savoir se perdrait s'il n'y avait pas les enfants des pauvres ! " Law la abna al-fuqara la-da'a al-'ilm ! "Cette maxime n'est plus de mise, puisque l'enseignement aujourd'hui exige d'énormes moyens. Ainsi, seuls eux qui ont les capacités matérielles peuvent supporter des frais de scolarité toujours à la hausse par rapport à un pouvoir d'achat chaque jour à la baisse. Jusqu'aux années soixante, les Marocains refusaient de mettre leurs enfants à la mission française. L'école publique, par la qualité de son enseignement, la valeur de ses diplômes et l'aptitude de ses enseignants, formait des citoyens capables d'intégrer le monde du travail avec aisance. Les changements opérés, ces dernières années, dans la formation des éducateurs et 'augmentation abusive de leurs horaires de travail, l'orientation des élèves, la surcharge des programmes et des effectifs dans les classes, mais aussi la nomination d'incompétents, de corrompus et d'opportunistes à la tête des établissements scolaires, tout cela a fait que l'enseignement, à tous les niveaux, a connu une dévaluation qui place le pays aux derniers rangs des nations émancipées ou en voie de développement. Ce ne sont là que quelques exemples. Les solutions à ce problème ne se trouvent ni en Chine, ni en Égypte, ni en France, mais ici, chez nous, parce que nous devons tenir compte de nos spécificités et de notre originalité. Loin de moi la prétention de vouloir donner des leçons à quiconque, mais deux premiers signaux forts pourraient être émis en ce sens : rendre à la langue berbère et aux dialectes nationaux le rang qu'ils méritent. Faire de l'arabe, dans la mesure de ses capacités, une langue de conquête du monde moderne et des technologies nouvelles. Donner aux langues fortes (anglais, espagnol, français) une place privilégiée dans l'enseignement. Sans complexe et sans mauvaise foi. Je sais, les cocardiers vont hurler à l'hérésie. Ceux-là, l'Histoire leur demandera des comptes, car le temps n'est plus au nationalisme aveugle ou imbécile. Le succès de nos écoles dépend essentiellement de leur capacité d'ancrage dans le système scolaire planétaire. Nous devons reconnaître, en toute modestie, que nous n'avons inventé ni le téléphone, ni le fax, ni Internet... Ce sont ces découvertes nouvelles qui gouvernent le monde. Nous devons refuser de demeurer d'éternels consommateurs des technologies étrangères, sinon, nous serons demain les éboueurs des nations productrices, les égoutiers des nations fortes, les ramoneurs des nations modernes, les mendiants des nations développées... C'est-à-dire les esclaves du nouvel ordre mondial.

2. L'économie et les finances. Tout le monde le dit : les caisses de l'État sont vides. Mais personne ne dit ni comment, ni pourquoi, ni à cause de qui on en est arrivé là, alors même que l'argent marocain dort dans certaines banques étrangères. Rares sont les riches de ce pays qui font encore confiance à la relance économique nationale. La dernière campagne d'assainissement, entreprise tambour battant par le ministère de l'Intérieur, a donné le coup de grâce à l'espoir et à la sécurité économiques dans le pays. La fuite des capitaux est le résultat d'une politique d'insécurité, elle-même fruit des lourdeurs et des complications d'une administration qui fonctionne hors du temps et hors de toute logique. Les investisseurs étrangers préfèrent investir en Tunisie, par exemple, où les démarches administratives sont simplifiées au maximum et où la loi et le droit sont plus ou moins respectés. Quand ils viennent chez nous, leurs dossiers transitent par des dizaines d'administrations et de directions, des centaines de bureaux pour acquérir des dizaines et des dizaines d'autorisations. Toutes ces démarches sont encore compliquées par une administration corrompue et inefficace. Nous savons, par ailleurs, que les grosses fortunes ne payent pas d'impôts et que les responsables, à tous les niveaux, ont tendance à faire l'amalgame entre leurs biens personnels et ceux de l'État. Les pilleurs assermentés bénéficient de la protection d'un système ayant fait de l'abus un moyen de domination et de contrôle des hommes. Ils ne se sont pas gênés pour ruiner le pays en faisant fuir les capitaux à l'étranger.

3. La misère et le chômage. Ce sont là deux aspects d'une fracture sociale très profonde, résultat de plusieurs années de négligence socio-politique. Le Maroc officiel ne reconnaissait ni sa misère ni son chômage. Il y a trois ans, pendant le mois de ramadan, une association de bienfaisance a fait les frais de cette hypocrisie sociale. Ayant décrété que " il n'y a pas de pauvres au Maroc ", le wali du grand Casablanca a, en effet, donné l'ordre à ses Merdas (forces spéciales d'intervention) de renverser les marmites de soupe que les bénévoles distribuaient aux nécessiteux. Le scandale des cantines scolaires montre à quel point les prédateurs de ce pays ne reculent devant rien, même pas devant la pauvreté des enfants, pour assouvir leur soif de " pognon ". L'argent le plus sale. Encore faut-il que les vrais responsables soient jugés et punis. Quelques hommes jugés dans cette affaire ne sont que des boucs émissaires. Le véritable responsable est le ministère de l'Enseignement, qui aurait autorisé la vente des denrées sur le marché. Le revenu du citoyen marocain est le plus bas au Maghreb. Près de quatre millions de Marocains vivent dans une pauvreté absolue et près de la moitié, dans une pauvreté relative. Un actif sur trois n'a pas de travail. Les diplômés " soutiennent les murs " ou entament des grèves de la faim en plantant leurs tentes de fortune devant le Parlement ou les ministères. Les couvertures sociales et médicales font défaut. Certaines populations rurales manquent de tout. Sans eau, sans électricité, sans écoles, sans dispensaires, sans routes carrossables, elles vivent dans un état à demi animal, complètement abandonnées à leur sort. Les slogans politiques ne changent rien à leur situation, puisqu'ils ne sont ni le fruit d'un programme étudié, ni le résultat d'un projet de société clair. Et sans entrer dans les détails, il est une vérité quotidienne qu'il importe de rappeler : les rues et les places de nos villes sont encombrées de mendiants, de chômeurs, de fous, d'enfants abandonnés vendeurs de sachets en plastique et autres produits au détail... Tout cela contribue à donner du Maroc l'image d'un pays pauvre, hors de son temps. Et, face à cette misère répugnante, se sont construites des fortunes insultantes. Parfois, un simple mur, une route, sépare le monde de la misère de l'univers de l'opulence.

4. La justice et la corruption. Aucun régime ne peut prétendre à la stabilité si sa justice est malade. Or force est de constater que les rouages de celle du Maroc sont aujourd'hui gangrenés par la corruption. Les valeurs de justice et de droit se trouvent dans une totale décomposition : la pratique quotidienne de la corruption a fait de cet " épiphénomène " un mode de penser, de gestion des affaires publiques, une conduite et un phénomène social reconnu et admis. On peut polémiquer sur les salaires des juges, des douaniers, des gendarmes, des policiers, des fonctionnaires des impôts et des administrations publiques, mais rien ne peut justifier un acte de corruption qui bafoue la loi et la morale, abaisse celui qui donne comme celui qui reçoit. Comment ne pas s'indigner quand les affaires des tribunaux sont monnayées sur la place publique, que les jugements sont rendus en fonction du prix payé et métamorphosent souvent les criminels en victimes et vice versa ! La justice contribue, de manière sensible, à l'aggravation de la fracture sociale, car elle place la loi aux marges de l'illégalité, assassinant tout espoir, toute confiance chez le citoyen. On me rétorque souvent que la justice est partout bafouée et que la corruption existe dans le monde entier. Peut-être. Mais moi, c'est le Maroc qui m'intéresse, et je lutterai toute ma vie pour qu'il se porte le mieux possible afin que nous y vivions tous debout.

5. La croissance démographique. La véritable pollution des temps modernes est l'explosion démographique. Depuis l'indépendance, la population marocaine a été multipliée par 3,5. Le taux de croissance dépasse 3 % dans certaines régions et les moins de 30 ans représentent plus de 50 % de l'ensemble de la population. Deux remarques découlent de ce phénomène. D'une part, le Maroc est un pays jeune, la majorité de sa population est constituée de jeunes, alors que la direction des secteurs clés a toujours été confiée aux vieux. Ce n'est pas péjoratif. Il suffit de regarder ceux qui ont gouverné (financièrement ou politiquement) ce pays, ceux qui ont gravité autour du Palais, ceux qui ont été à la tête des partis politiques... Tout changement ne peut se concrétiser qu'en rendant à César ce qui lui appartient. Et le Maroc d'aujourd'hui appartient à sa jeunesse. Mohammed VI est jeune : il doit le comprendre. D'autre part, cette croissance démographique implique des conséquences désastreuses, à tous les niveaux. C'est la cause de la plupart des maux dont souffre le Maroc moderne. L'exode rural, l'implantation de plus en plus effarante de bidonvilles, les difficultés de l'enseignement et de la santé, les multiples problèmes de l'économie... Voilà donc un autre chantier négligé par les politiques marocains auquel il importe de trouver des solutions immédiates si nous voulons entrer de plain-pied dans le XXIe siècle, qui sera un siècle de compétitivité, aussi bien au niveau de la qualité que de l'efficacité. Sommes-nous prêts à faire face à la mondialisation avec une population nombreuse, non instruite et non qualifiée ?

6. La femme et le code du statut personnel. Là, le retard accumulé fera de nous une nation en décalage par apport à notre siècle. Il est inconcevable que le débat autour de problèmes qui concernent l'intimité et la destinée de tout un chacun soit l'apanage des oulémas et de quelques " initiés ". C'est un problème de société et le débat doit être social. Les Marocains ont suivi, sans grande fierté, les polémiques engagées par " l'éternel " ministre des Habous et des Affaires islamiques sur la question de la femme. Il est donc impératif de réviser la Moudawana dans le sens de la modernité et de l'évolution du monde. Allons-nous continuer de gérer la vie privée et quotidienne des citoyens sur le mode et le modèle d'il y a quatorze siècles ? Nous ne demandons que l'évolution des moeurs dans le respect de la personne. Le code du statut personnel, tel qu'il est appliqué, est une simple injure à notre intelligence, un véritable échec de la démocratie et des droits de l'homme. Là encore, le travail à faire engage directement notre pays dans la voie de la démocratie et de l'État de droit. L'indétrônable Moulay Abdelkébir Alaoui M'Daghri devrait nous expliquer où va l'argent des Habous au lieu de polémiquer comme il le fait sur des textes de femmes reconnues internationalement. L'esprit rétrograde n'a pas sa place dans le monde d'aujourd'hui, ni dans l'image moderne qu'on veut construire du Maroc. Et si le pays revient aux jeunes, il revient aussi aux femmes.

7. Les droits de l'homme et les défis de la modernité. Sans revenir sur le passé, nous devons refuser que le Maroc de demain soit le Maroc des tortionnaires et des anciens policiers. Plus jamais donc de disparitions, d'enlèvements, d'emprisonnements abusifs pour délits d'opinion... Plus jamais de Tazmamart, de Derb Moulay Chrif, de Dar Moqri, de Kal'at Magouna et autres centres secrets de détention. Plus jamais de répression quand les revendications sont justes ou légitimes. L'entrée de notre pays dans le nouvel ordre mondial ne peut se faire que par le respect de l'individu et de ses droits. Le respect des lois par tous, alors même que ces mêmes lois sont régulièrement bafouées par les dignitaires et les responsables (grands ou petits). Les droits de l'homme comportent également la sécurité pour tous, l'enseignement pour tous, le travail pour tous, les mêmes droits pour tous, les mêmes chances pour tous, les mêmes devoirs pour tous... Le Maroc de demain se fera sans les Basri et les Archâne ou ne se fera pas. Il est donc urgent de défliquer et de décrétiniser le pays afin de rendre à la nation la dignité que les agents du Makhzen et ses dignitaires lui ont ravie. Dans son ignorance des lois et des droits, dans sa misère extravagante, dans son analphabétisme, dans sa lutte quotidienne pour survivre, le peuple a été l'objet d'un mépris généralisé tout au long de ces dernières décennies. On a dit et répété que ce peuple ne méritait que la bastonnade. Si bien que le Marocain moyen a fini par intérioriser cette doctrine rétrograde. Je dis que ce peuple mérite un meilleur destin, car il a, une fois de plus, montré une grande maturité, une prédisposition à l'abnégation et à la tolérance. Il a donné à ses détracteurs et au monde entier une véritable leçon de tolérance. Ce peuple aimerait revoir ses officiers supérieurs relever la tête au lieu de la garder enfouie dans les poubelles de l'argent sale. Mais comment peuvent-ils retrouver la position verticale alors que leurs échines ont pris le pli des affaires, des fermes, des carrières de sable, des entreprises, des lotissements, des usines, des privilèges ? La dignité a son prix. La fortune facile ne coûte à certains qu'un peu d'hypocrisie courtisane, des baisemains obséquieux, des courbettes et une fidélité servile au Makhzen. C'est pour cette raison que leur image s'est ternie dans la conscience collective des Marocains.

8. Le respect des institutions. Quand on regarde de près, et même de loin, la Chambre des représentants et celle des conseillers, force est de constater que leur composition relève d'un mauvais film italien : il s'y est formée une mafia indigne de nos institutions et des orientations que nous espérions donner à ce pays. Voici une autre page noire de notre histoire, parce que la majorité des représentants des deux Chambres ont soit bénéficié de l'appui des autorités, soit " acheté " (au vrai sens du terme) leur siège. Quelle crédibilité ont ces institutions qui comptent en leur sein des repris de justice, des trafiquants en tout genre, des homme corrompus et corrupteurs, d'anciens tortionnaires ? C'est à la fois une insulte à l'intelligence du Maroc et une atteinte à sa crédibilité politique. Là encore, un travail de fond reste à faire et nous refusons que nos institutions ne soient qu'une parade à l'intention de l'étranger. Nous voulons que ces espaces deviennent, sur le plan économique, politique, social, civilisationnel, de véritables champs de débats qui engagent l'avenir du peuple et du pays. Le temps des frères Dalton est à enterrer avec cet esprit rétrograde qui veut que le peuple marocain soit toujours manipulé pour des raisons cacophoniques. La compassion du peuple lors des obsèques du roi a démontré que la sécurité du pays et la stabilité du système ne sont pas mises en cause. Les sbires devront faire le deuil du clientélisme et du copinage sordides pour que chacun occupe la place qu'il mérite et qui lui revient sur l'échiquier national. La liste des chantiers est longue. Tous les domaines sont prioritaires parce que nous avons pris du retard par rapport aux grandes orientations vers le progrès et le développement. Je ne parle pas de l'environnement, de l'information, de l'urbanisme, de la recherche scientifique, de la bureaucratie, de la médecine publique ou privée, de la médiocrité qui touche plusieurs secteurs publics, privés ou semi-privés... C'est dire combien l'héritage du nouveau roi est lourd, mais combien aussi son mérite sera grand s'il ne fuit pas ses responsabilités. Il incarne l'espoir depuis qu'il était prince héritier, parce qu'il est l'ami des déshérités. Et même s'il hérite d'un pays au bord de la ruine à plusieurs niveaux, il peut compter sur la richesse d'hommes et de femmes prêts à relever le défi du développement, avec lui et sur de nouvelles bases. Il a été dit que la monarchie n'est plus remise en cause. Le peuple marocain l'a exprimé, le 23 juillet, par son deuil et son chagrin. Il a démontré qu'il était mûr et solidaire dans les moments difficiles. Faut-il continuer à le manipuler et à le traiter en peuple mineur ? Le nouveau roi est jeune. Il connaît les difficultés de ce pays, dont il a l'entière responsabilité (que nous partageons tous avec lui). Personne n'a intérêt à ce que les schémas d'autrefois soient reproduits. Au gouvernement d'alternance d'éviter la reproduction de schémas anciens et d'attitudes moyenâgeuses. Mohammed VI, quand il circule dans le pays, s'arrête au feu rouge comme un simple citoyen. Ses apparitions quotidiennes font office de fête pour tous ceux qui ont des choses à lui demander. De l'avis général, son protocole royal a été sérieusement réduit et son palais ne désemplit de miséreux et de handicapés. Mohammed VI n'a rien à craindre : il est apprécié de son peuple. Il serait donc criminel de freiner cet élan vers le changement et le progrès en faisant du nouveau pouvoir une photocopie de celui d'hier. Le défi de la modernité, de la démocratie véritable, passe nécessairement par le divorce que nous devons opérer avec le passé. Les gens attendent beaucoup du nouveau roi. Ils devraient attendre tout autant du nouveau gouvernement dont le rôle aujourd'hui doit être plus aisé et décisif. Dans les couches populaires, la lenteur des réformes commence à prendre le visage de la désillusion et du désenchantement. Nous avons perdu quatre décennies à détruire ce pays. Avons-nous assez de temps et assez de volonté pour le reconstruire ? Ou allons-nous continuer à nous plaire dans le confort petit-bourgeois de nos fortunes (grandes ou petites) et de nos multiples platitudes ?

Jeune Afrique

 


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